Le hiéroglyphe de la musique est si léger et si furtif, il est si facile de le perdre ou de le mésinterprêter, que le plus beau morceau de simphonie ne ferait pas de grand effet, si le plaisir infaillible & subit de la sensation pure & simple n’étoit infiniment au-dessus d’une expression souvent équivoque. La Peinture montre l’objet même, la Poësie le décrit, la Musique en excite à peine une idée. Elle n’a de ressource que dans les intervalles & la durée des sons; & quelle analogie y a-t’il entre cette espéce de crayons, & le printems, les ténébres, la solitude, &c. & la plûpart des objets? Comment se fait-il donc que des trois arts imitateurs de la nature, celui dont l’expression est le plus arbitraire & la moins précise, parle le plus fortement à l’ame? Seroit-ce que montrant moins les objets, il laisse plus de carriere à notre imagination; ou qu’ayant besoin de secousses pour être émus, la Musique est plus propre que la Peinture & la Poësie à produire en nous cet effet tumultueux?
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(en anglais uniquement)
La musique française pour clavecin au siècle des Lumières:
étude sur Jacques Duphly et le contexte esthétique autour de sa vie et de son œuvre
Résumé
En France, le milieu du dix-huitième siècle a été marqué par des changements importants tant dans la pensée philosophique que scientifique, auxquels sont liés de nouvelles idées sur l’esthétique, ainsi que les styles musicaux qui y sont associés. La musique instrumentale, et plus spécifiquement la musique pour clavecin de la seconde moitié du 18ème siècle, a été relativement peu étudiée tant par les musicologues, que par les musiciens. Alors que les clavecinistes des 17ème et du début du 18ème siècles ainsi que leurs œuvres ont été étudiés de façon exhaustive, il y a un manque de compréhension et de connaissances de la musique pour clavecin de la période suivant la mort de François Couperin en 1733 et la publication, autour de 1728, du dernier livre de pièces pour clavecin seul de Jean-Philippe Rameau, Nouvelles Suites de Pièces de Clavecin. Les décennies suivantes furent marquées par un changement esthétique, induit et observé par les musiciens, compositeurs et philosophes français et étrangers. J’avance que ces changements esthétiques sont aussi présents dans la musique pour clavecin, et peuvent être observés dans les quatre livres de musique pour clavecin (1744, 1748, 1756, 1768) de Jacques Duphly (1715-1789), le sujet de ma recherche.
Il y a peu d’information facilement accessible concernant la vie de Duphly et jusqu’à maintenant, aucune recherche contemporaine sérieuse n'en a fait l’étude. Dans cette thèse, j’inclus une biographie sur Duphly, de sa naissance à Rouen à sa vie à Paris, et une présentation chronologique du contenu de ses livres. Cette présentation comprend une analyse stylistique de ses œuvres, un corpus qui incorpore le style traditionnel français de clavecin, ainsi que des éléments autant modernes qu’étrangers. Une attention particulière est portée à l’explication du contexte esthétique dans le Paris du milieu du 18ème siècle, et son lien avec l’expression dans la musique instrumentale, incluant les concepts de mesure et mouvement. Une étude exhaustive sur les tempéraments français du 18ème siècle complète cette présentation du contexte instrumental de cette période. Des exemples tirés des 4 livres de Duphly aident à illustrer comment ces tempéraments, ainsi que les concepts esthétiques et stylistiques, peuvent être compris et appliqués par les musiciens, dans le cadre d’une interprétation historiquement informée.
Après avoir terminé mes études au Conservatoire royal de La Haye, il me semblait tout naturel d’entreprendre un doctorat. Un diplôme de plus, encore bien du temps à passer à l’école, mais cela m’importait peu. Après six années passées aux Pays-Bas, j’avais envie de rentrer au pays, temporairement ou non. J’avais surtout l’impression d’avoir encore beaucoup à apprendre (un sentiment qui, au final, ne fait que s’accentuer avec le temps). Je ne maîtrisais pas encore assez à mon goût l’aspect académique qui va de paire avec l’interprétation de la musique ancienne, et l’étude et la recherche associées à l’écriture d’une thèse de doctorat me semblaient la meilleure voie à suivre. Le programme de DMA (Doctorate in Musical Arts) de l’Université de Toronto était pour moi tout désigné : trois récitals solo, une dissertation un peu moins longue que celles écrites en musicologie, et l’accès à l’une des meilleures bibliothèques musicales d'Amérique. De plus, je connaissais très bien le professeur de clavecin avec qui je souhaitais étudier, et c’est grâce à elle que j’aurai finalement trouvé le sujet de recherche idéal.